Petite histoire de l’Absinthe
La présence de l’absinthe à Fougerolles remonte à une date relativement ancienne, si l’on en croit l’inscription gravée à l’entrée d’une ferme-distillerie mentionnant : « Fabrique de kirsch et d’absinthe, le 24 mai 1857 ».

Cette inscription atteste que la distillation de l’absinthe était déjà une réalité locale à cette époque, soit à peine soixante ans après l’implantation de la première fabrique à Couvet, en Suisse, par le major Dubied.
L’origine de l’absinthe se situe précisément dans cette petite vallée jurassienne, entre Pontarlier et Neuchâtel. Selon un article paru en 1890 dans Le Conteur vaudois, tout commence avec un médecin installé à Couvet, dont l’identité reste aujourd’hui inconnue. À l’instar de nombreux praticiens exerçant en zones rurales au XVIIIe siècle, ce médecin préparait lui-même les remèdes qu’il prescrivait à ses patients. Il mit au point un élixir à base d’absinthe, présenté comme une panacée capable de guérir de nombreux maux. À sa mort, la recette de ce mystérieux breuvage fut transmise à sa gouvernante, Mademoiselle Grandpierre, qui la revendit aux demoiselles Henriod. Celles-ci commencèrent alors une production artisanale de cet élixir d’absinthe.
Les personnes qui contribuent à l’explosion de la notoriété de l’extrait d’absinthe sont Abram Louis Perrenod, et par la suite son fils Henri-Louis Perrenod en 1798 dont le patronyme modifié « Pernod » sera attaché à l’histoire de l’absinthe et de l’apéritif anisé.
Donc, le véritable tournant industriel intervient lorsque les sœurs Henriod cèdent leur formule à un certain M. Pernod, qui y voit immédiatement un potentiel commercial. En 1798, son fils, Henri-Louis Pernod, fonde la distillerie « Dubied Père & Fils », considérée comme la première structure dédiée exclusivement à la fabrication de l’absinthe. En 1805, Henri-Louis Pernod poursuit l’aventure en fondant à Pontarlier sa propre société, qui prendra le nom de Maison Pernod.
C’est à partir de là que Pontarlier devient le centre névralgique de l’absinthe, surnommée dès lors « la fée verte ». Boisson des artistes, des intellectuels et des militaires, elle séduit bientôt une clientèle bien plus large. Son prix accessible et ses vertus stimulantes favorisent son adoption par les classes populaires, notamment après la guerre de 1870. Vers 1900, l’absinthe est devenue l’apéritif le plus consommé en France, atteignant des volumes impressionnants de production : plus de 200 000 hectolitres par an. Sa diffusion dépasse les frontières de la métropole pour s’étendre jusque dans les colonies, où elle conquiert de nouveaux marchés.
Fougerolles, terre déjà riche d’une tradition distillatrice grâce au kirsch, n’est pas restée à l’écart de cette dynamique. Bien avant l’essor national de l’absinthe, les distillateurs de la région avaient commencé à en fabriquer et à en tirer de considérables profits. Parmi eux, Abel Bresson se distingue par une stratégie commerciale habile : dès 1912, il acquiert le droit d’exploitation de la marque « Pernod », à la fois celle de Couvet et celle de Pontarlier. Cela lui permet d’apposer sur ses étiquettes un nom prestigieux, immédiatement reconnu et recherché par les consommateurs, qui avaient pris l’habitude de commander non pas « une absinthe » mais « un Pernod ».

Étiquette absinthe Edouard Pernod, acquise par la maison Abel Bresson en 1912
