Implication politique
Les distillateurs fougerollais sont très actifs dans la vie politique locale. En effet, il suffit de se référer aux différents maires qui ont géré la commune depuis 1792 pour s’apercevoir que 60% des mandatures sont occupées par des maires distillateurs ou proches de cette industrie. Soit 130 années de mandats sur 220.
En plus de ces élus locaux, d’autres hommes politiques fougerollais ont œuvré pour la préservation des acquis de leur territoire. C’est le cas de plusieurs conseillers généraux qui ne cessent de défendre les intérêts de la distillation locale comme lors de la promulgation de la loi du 20 juillet 1837. Cette loi marque une étape importante dans l’évolution de la législation à l’égard des producteurs d’eau-de-cerise et de prune en dissociant le statut du bouilleur de cru, qui distille exclusivement des matières provenant de sa récolte, de celui du distillateur en tant que tel et surtout, en assimilant tous les producteurs fougerollais à des distillateurs de profession.
En désaccord avec cette loi, les cultivateurs fougerollais refusent de déclarer leur production à la régie, font l’objet de procès-verbaux et encourent une amende. Contrairement aux bouilleurs de cru alsaciens et plus particulièrement ceux de Breitenbach qui se soulèvent violemment à coups de pierres contre les employés des contributions chargés de recenser les alambics, les Fougerollais font intervenir leurs élus. Notamment au Conseil général où l’un des conseillers se fait l’écho de leurs doléances avec une vibrante émotion :
« Une pareille innovation serafuneste à notre pays ; elle tend à la priver d’une de ses principales branches de richesse, en rendant trop onéreuse la fabrication du kirsch et en amenant ainsi la suppression de la culture du cerisier ». Il assure, dans une belle envoléeoratoire, que « c’est à proprement parler, la seule ressource des propriétaires et fermiers ; elle est destinée à leur procurer le pain que leur refuse la mauvaise qualité de leurs terres ». Il avance, toutefois, des arguments plus réalistes : « L’exportation dukirsch est considérable. Le relevé des droits payés à l’enlèvement pour la seule commune de Fougerolles s’élève, année commune, à plus de 114.000 fr. ; tandis que la contribution foncière ne dépasse guère le chiffre de 20.000 fr. »
Fougerolles s’appuie sur des élus locaux, régionaux mais aussi nationaux. C’est le cas du député de la Haute-Saône, Auguste PEUREUX, qui a exercé son mandat à la chambre des députés du 27 avril 1902 au 31 mai 1906.
Auguste Peureux, distillateur, est maire de la commune de Fougerolles, membre de la Chambre de commerce de Gray et conseiller général du canton de Lure lorsqu’il se présente pour la première fois aux élections législatives, en 1902. Proclamant ses opinions radicales, il se déclare adversaire irréductible de la coalition nationaliste et prend position, notamment en faveur d’un impôt progressif sur les revenus supérieurs à 2.500 francs, de la réduction des droits de régie sur les alcools et contre toute atteinte au privilège des bouilleurs de cru. Il est le premier distillateur de la région à implanter la culture de la betterave et à fabriquer de l’alcool de betterave destiné à l’élaboration des liqueurs et à la macération des plantes et des fruits.
Au Palais Bourbon, où il siège sur les bancs de la gauche radicale, il appartient au cours de ses deux mandats à diverses commissions dont celles des patentes, des douanes et des boissons. Il prend part à des discussions budgétaires à propos de dispositions concernant le commerce des vins et des spiritueux. Il intervient également à plusieurs reprises pour défendre les intérêts des distillateurs d’absinthe au sein de l’assemblée nationale et dans des réunions publiques mensuelles à Paris qu’il préside.
Implication religieuse et sociale
L’implication de la famille BRESSON n’est pas uniquement politique et économique mais aussi religieuse et sociale.
En effet, la famille BRESSON est fortement impliquée dans la vie paroissiale.Madame BRESSON, belle fille d’Abel BRESSON, en est même une figure respectée et respectable. C’est une dame très pieuse et très généreuse. Elle fait beaucoup de dons à la paroisse et elle prend même à sa charge les frais de fonctionnement de l’église de Fougerolles après la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905. Elle fonde en 1889 un pensionnat pour jeunes filles et fait construire à ses frais les bâtiments.
Parmi toutes les œuvres de Madame BRESSON, celle qui marque la vie locale est l’installation du pensionnat pour jeunes filles en 1889. Ce pensionnat est une école libre au service des familles de la commune et des alentours. Mme BRESSON fait venir des religieuses de la Compassion de Villersexel. Cet établissement fonctionne encore à ce jour et abrite l’école Saint-Joseph de Fougerolles.
D’après une lettre adressée à un général de l’armée française durant la Première guerre, Hubert BRESSON cite l’école libre de Fougerolles comme sa propre école :
« (Hubert BRESSON) Industriel propriétaire de plusieurs établissements, intéressé et administrateur de plusieurs industries régionales, dont un certain nombre sont situées dans le département de la Haute-Saône, Côte-d’Or, Vosges et Territoire de Belfort, propriétaire de forêts et fermes dans ces mêmes départements, chargé parfois par la municipalité de démarches ayant trait au ravitaillement de notre importante commune. Occupé enfin comme automobiliste à l’Hôpital auxiliaire n° 12 bis rattaché à BESANCON et installé dans notre commune dans une école libre m’appartenant, je suis obligé de faire dans ce rayon des sorties assez fréquentes pour la surveillance et la défense de mes intérêts. »
Le rôle de la famille BRESSON dans l’installation et la préservation de l’École à Fougerolles est développé dans une revue municipale datant de 1971 :
« L’École Saint-Joseph, très modeste dans ses origines, elle l’est restée au fil des années. Dès 1886, un dispensaire et un ouvroir s’ouvrirent dans la maison de Mlle BERTRAND qui avait elle-même demandé et obtenu des Religieuses de la Compassion de l’Hermitage de Villersexel. À la demande de la population fougerollaise, une École libre fut fondée en 1889. Mme BRESSON en prit l’initiative et fit construire à ses frais les deux bâtiments en bordure de la route nationale. Très vite, l’École naissante bénéficia de l’estime et de la confiance des Fougerollais. Une, deux, trois classes primaires s’ouvrirent successivement tenues par des religieuses, puis une classe maternelle appelée « asile ». Quelques familles des sections, trop éloignées du centre, demandèrent aux religieuses de garder leurs enfants à demeure : c’est l’origine du Pensionnat. L’École apparaît à son début être une œuvre vraiment communautaire, les prêtres la soutiennent de tout leur zèle, et des dames généreuses paient de leurs deniers les mensualités scolaires des enfants plus pauvres. La communauté des sœurs devint bientôt polyvalente. À côté des sœurs institutrices, une sœur éducatrice paroissiale rétablit l’ouvroir pour les jeunes filles et une sœur garde-malades parcourut à pied les durs chemins des sections où les familles faisaient souvent appel à sa compétence et à son inlassable dévouement. 1900…Ce fut, brutalement, la tourmente avec l’exode des religieuses, suivi des années difficiles de la guerre 1914-1918. Madame BRESSON veilla une fois de plus sur son œuvre. Elle trouva une directrice sécularisée en la personne de Mlle DUSCHENES qui sut à son tour s’adjoindre des institutions laïques. Ainsi l’École fut-elle sauvée de la ruine. »
Implication syndicale
Dans la dernière décennie du XIXe siècle, les distillateurs industriels, soumis à des surtaxes qu’ils jugent discriminatoires, subissent les contrecoups de la concurrence allemande. Pour se défendre, ils fondent en 1892 le syndicat des distillateurs de kirsch de la Haute-Saône qui s’avère être le premier syndicat patronal du département. Un an plus tard, 13 autres distillateurs, négociants et représentants, les rejoignent et déposent, le 15 mars 1893, les statuts du syndicat.
Ses statuts éliminent les producteurs au profit des commerçants : le syndicat n’accepte que les distillateurs de kirsch pourvus d’une licence de marchands de gros, mais accueille les négociants en vins et spiritueux, les distillateurs-liquoristes, voire les courtiers ou représentants qui les visitent. Il est administré par un bureau composé de six membres « pris exclusivement parmi les distillateurs de Kirsch » de Fougerolles, Aillevillers, Saint-Loup et Luxeuil.
Le premier acte du syndicat est d’adresser une requête aux sénateurs et aux députés, en ces termes: Les soussignés, membres du Syndicat des Distillateurs de Kirsch de la Haute-Saône protestent énergiquement contre la suppression des droits sur les vins, cidres, bières et contre la surtaxe dont sont frappés les alcools, surtaxe qui est la conséquence de la suppression des droits sur les boissons, dites hygiéniques. »
À cette date, les vins sont taxés à 2 francs l’hectolitre, les cidres à 0,80 francs, les alcools à 1,70 francs. Le syndicat intervient par la suite contre une loi sur les boissons datant de mars 1897 et qui surtaxe encore les alcools.
Le bureau du syndicat se compose exclusivement de distillateurs de kirsch. Il compte un président, un vice-président, un secrétaire et un trésorier.