Le kirsch est une eau-de-vie à base de cerises fermentées et distillées. Il semble être originaire d’Allemagne.
« Il (le kirsch) devait être connu en Allemagne au XVIe siècle, puisque le poète Hans Sachs le signale : « Und das schwarz Kirschenwasser numb und bestrich ir brust, ruck und leut », ce qui signifie : il prit l’eau de vie de cerises noires et lui frictionne la poitrine, le dos et les reins. L’apparition en France de ce « remède » est plus tardive, vers le milieu du XVIIe siècle. Aussitôt il envahit les cafés. »
Le kirsch tire son nom du mot allemand « kirschen-wasser » qui veut dire eau-de-cerises.
« Comme son nom l’indique, le kirsch est un alcool d’origine allemande. En France, sa fabrication intéresse quelques départements de l’Est de la France : la Haute-Saône, la Meurthe-et-Moselle, les Vosges, le Doubs, la Meuse, le Jura, de l’autre côté de la chaîne des Vosges et de la frontière, on retrouve cette même fabrication en Alsace-Lorraine et, un peu plus à l’Est dans la Forêt-Noire […] C’est Fougerolles, dans la Haute-Saône, qui est le centre de la fabrication française. »
Si la cerise et le cerisier sont évoqués dans des documents officiels dès le XVIIe siècle, le mot « kirsch » n’apparaît que courant du XVIIIe siècle. En effet, c’est vers la fin du XVIIe siècle que débute à Fougerolles la distillation de l’eau de cerise (le mot kirsch n’est pas évoqué encore). La distillation de la cerise devient une activité incontournable au XVIIIe siècle comme l’atteste un extrait d’un mémoire relatif aux activités « des villes, seigneuries et baillages de Vauvillers, Saint-Loup et Fougerolles », daté de juin 1744 et conservé à la Bibliothèque nationale (Bibliothèque nationale, Fonds Moreau, n°901) :
« […] J’aurai encore pu ajouter dans ces états les fabriques de l’eau de cerise qui se font dans ces cantons si j’avais cru qu’elles dussent trouver place avec les autres établissements et manufactures… Je ne laisserai pas, Monseigneur, que de vous faire observer qu’en la seule seigneurie de Fougerolles, il s’y est fait, année commune, plus de 4000 bouteilles (d’eau de cerise), dont la bouteille se vend de 18 sols jusqu’à 30. Il est vrai qu’elle commence à avoir du discrédit, parce que plusieurs fabricants la fraudent en y mêlant des jus de différents autres fruits que la cerise […]. »
Il est intéressant de noter l’existence, déjà, de la fraude à cette époque, ce qui justifie la notoriété dont bénéficie ce produit fougerollais.
Le nom de Fougerolles évoque désormais l’idée d’une eau-de-cerise de qualité. Cette renommée fait entrer cette boisson fougerollaise directement en concurrence avec celle de la Forêt-Noire et d’Alsace appelée « kirschwasser » ou « kirschenwasser ».
Pour se rendre plus compétitive face à cette concurrence, l’eau de cerise fougerollaise se débaptise et se présente désormais à la clientèle extérieure sous la dénomination abrégée en « Kirsch ». Cette nouvelle appellation permet de dénoncer cette assimilation au produit allemand que les partisans du vin français collent à la peau des promoteurs de l’alcool distillé et que la guerre perdue de 1870 ne fait que renforcer comme le proclame l’un des orateurs de la société d’économie sociale en disant qu’il« serait juste d’établir une différence fiscale entre nos excellents alcools de vin (produits essentiellement français) et les alcools d’industrie, le plus souvent d’importation allemande, imparfaitement rectifiés, chargés d’huiles empyreumatiques et toxiques au plus haut degré ».
Nous remarquons cette évolution sur les en-têtes de factures des distillateurs fougerollais comme l’Établissement BRESSON qui utilise l’appellation « kirschwasser » tant qu’il fait commerce de ce produit, mais dès qu’il se présente comme distillateur et fabricant, il parle alors de « kirsch ».
En s’émancipant du kirchenwasser allemand, Fougerolles a confirmé son statut de centre national de la fabrication du kirsch, un produit très estimé qui bénéficie d’une réputation nationale et internationale qui dure à ce jour. En plus de Fougerolles, d’autres régions fabriquent du kirsch mais en quantité moindre: la Bretagne, le Morbihan et les Côtes du Nord.
À Fougerolles et dans les trois régions citées ci-avant, on ne se limite pas à la distillation de la cerise pour fabriquer du kirsch mais on fait, avec les marcs de cerises additionnés d’alcool d’industrie, des kirschs, dits de fantaisie ou de commerce. D’autres fruits sont également distillés comme les prunes, les mirabelles et les quetsches. Néanmoins, ces derniers fruits n’égalent pas la quantité de cerises utilisée pour la fabrication du kirsch.
Durant le XIXe siècle, les eaux-de-vie de fruits connaissent un fort engouement. La production des eaux-de-vie de fruits comme le kirsch gagne de plus en plus de parts de marché tout au long du XIXe siècle dans toutes les régions de France. Néanmoins, cette production est variable car elle dépend des aléas climatiques.