Fougerolles, le Pays des cerises

Le cerisier, selon les plus sérieux historiens, croit déjà naturellement au sein des immenses forêts de la Gaule. Cet arbre est vénéré et tout particulièrement respecté. La cueillette de ces fruits donne même lieu à des cérémonies religieuses.

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Plus tard, Labienus, lieutenant de César, s’installe à proximité de Luxeuil et apprécie tant les cerises, que les chroniqueurs rapportent dans leur langage naïf :

« On venait en la cité de Luxovium pour y recouvrer la santé du corps par l’immersion dans l’eau douce salutaire, et aussi pour y faire le nettoyage intérieur du corps par une cure de cerises. »

Au VIIe siècle, Saint Colomban avec ses moines irlandais défrichent les forêts autour de Luxeuil. Ils entourent des plus grands soins cet arbre qui leur fournit les fruits les plus précoces et améliorent son espèce et ses variétés.

Au XVIIe siècle, le cerisier est le « plus bel ornement du meix seigneurial ». Des extraits de jugements rendus par les cours et juridictions attestent de l’intérêt témoigné aux cerises et au Kirsch dès le début du XVIIIe siècle. Certains prétendent, sans fondement d’ailleurs, que le cerisier à kirsch n’a qu’une importance secondaire et qu’il ne fait pas véritablement l’objet d’une culture à cette époque. D’autres pensent que ce cerisier est venu du Piémont vers 1680 grâce à un émigré piémontais nommé Sébastien GRANDJEAN. Veuf, il est venu s’établir avec ses onze enfants au hameau de Croselière. Il y a apporté l’art de cultiver le cerisier et de fabriquer l’eau de cerise.

Loin de ces affabulations, référons-nous à des preuves scientifiquement établies : les premières mentions connues du cerisier apparaissent dans des textes (inventaires après décès, testaments, jugements et délibérations) datant du XVIIe siècle. En effet, en 1674, Jacques BULLOTTE du lieu-dit Le Fahys , est condamné à relâcher à Jacques SIMON, du même lieu, deux cerisiers qu’il ferme dans « une sienne haye dont le demandeur ne tire aucun proffict ». En 1696, Barbe BARRET cède un champ planté d’arbres fruitiers, sauf « un serizier guinier qui restera, nonobstant les ventes, au profit de la vendresse ». D’après un jugement du 27 janvier 1739 lié à un conflit entre Laurent VUILLMINEY de Blanzey – Fougerolles et François GUSTIN des Granges de Fougerolles-le-Château qui « a cueilli (volé) des cerises provenant de deux cerisiers ayant l’un des cerises rouges, l’autre des cerises noires grosses et demi rondes […] » D’après un autrejugement datant du 26 juin 1742 lié à un conflit entre Fonfaire BERNARDIN du PREMOUREY– Fougerolles et Joseph TOBERT du CLOZ – Fougerolles au sujet de« la vente de cerises guignes longues queues livrées pendant le courant du mois de juillet 1739, pour la somme de 30 sols […] » et dans un jugement du 8 février 1746 rendu par Antoine Edmond GROSJEAN, avocat au Parlement, Bailly de Fougerolles, il est question de paiement sous forme de deux pièces d’eau de vie tenant sept mesures et onze pots […].

Donc, le cerisier existe bien avant la légende de l’émigré piémontais. Son existence est évoquée dès la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle. Ces différents jugements et cette délibération font référence aux cerises faisant partie du paysage fougerollais au XVIIIe siècle. De plus, ces jugements nous renseignent sur quelques variétés de cerises comme la guigne.

Mais c’est au début du XIXe siècle que le cerisier devient un acteur incontournable du paysage fougerollais. Deux documents en attestent. Tout d’abord un procès-verbald’une réunion du Conseil Municipal :

« À 7 heures du soir, un orage venant du midi éclata. Un vent foudroyant souffla avec une telle violence jamais vue : personnes jetées à terre, voitures de foin chargées renversées dans les prés et les rues, toits abimés, vitres cassées, maisons à demi-découvertes. Dans les diverses sections il y a au moins 4000 cerisiers, 3000 pommiers, 2000 poiriers et 2000 pruniers, déracinés, cassés ou abimés dans l’espace d’une demi-heure que dure l’orage sans interruption. »

Ensuite, un règlement relatif à la récolte des fruits où le Maire de la commune de Fougerolles considère :

« […] Que la récolte des cerises et autres fruits d’où elle tire sa principale ressource pour se sustenter et que pour l’effectuer il faut employer des personnes étrangères et inconnues pour la plupart […] Que parmi une foule d’ouvriers… des malveillants…, gens tarés, vagabonds se glissent […]qu’à partir des prohibitions portées dans l’article de l’arrêté de Monsieur le Préfet du 11 juin 1807, puis son exécution de la loi du x octobre 1791, il est défendu de glaner, grappiller, entrer ou parcourir les champs, prés, vignes, ouverts aux récoltes… […] Arrête en conséquence et soumet à la sanction de Monsieur le Baron de l’Empire, Préfet et sous son bon plaisir : Article 1er : aucun propriétaire, chef de famille ou ouvrier, ne pourra employer aucune personne en qualité d’ouvrier ni sous aucun prétexte, qu’au préalable il ne connaisse son domicile, sa qualité, sa moralité et n’en ait fait la déclaration et apporté ses papiers à la Mairie pour y être examinés […] Article 2 : il est défendu à tout ouvrier de la commune et étranger de glaner et marauder, même cueillir des fruits et cerises sans la participation et autorisation des propriétaires, aux peines relatives à ces délits. »

Ces extraits montrent l’importance des cerises à Fougerolles et la densité des cerisiers ainsi que celles des pommiers, des poiriers et des pruniers qui permettent la fabrication des eaux-de-vie locales. La récolte de ces fruits attire beaucoup de travailleurs journaliers dont la majorité est composée de Fougerollais utilisant des paniers et des hottes.